Le féminisme égalitaire
C'est le courant qui s'élève au début des années 1900 contre l'inégalité des sexes et la discrimination des femmes. Ses grandes conquêtes seront le droit de vote et l'accès à l'éducation pour les femmes. Il remet en question la place traditionnelle des femmes et les contraintes que la société leur impose , conquiert des espaces de travail, fait ses marques en différents domaines : syndicalisme, littérature, histoire, tout en favorisant l'accès des femmes à tous les lieux dont elles sont écartées.
C'est un courant qu'on appelle aussi féminisme libéral, parce qu'il est issu de la démocratie libérale occidentale; on le dit réformiste, car il vise à améliorer le système social en faisant aux femmes la place qui leur revient de droit, et ne s'attaque pas à ce système social.
Ce courant est toujours actuel : il veut améliorer les conditions de vie des femmes, assurer leur égalité avec les hommes, favoriser leur accès aux postes de pouvoir dans le monde politique et économique tel qu'il est. Il négocie l'équité salariale, la conciliation travail-famille-études, revendique les garderies, les congés parentaux.
Le féminisme de la différence
Se situant plutôt dans la culture que dans la politique, ce courant féministe affirme une identité différente pour les femmes. Ce n'est pas tant la position sociale qui est considérée par ce courant, mais une différence sexuelle qui détermine des valeurs, un autre rapport au corps. Il valorise la maternité, biologique ou symbolique, comme porteuse de pouvoir pour les femmes.
On l'appelle aussi féminisme essentialiste, parce qu'il affirme une essence féminine. Il met au centre de son analyse l'expérience féminine plutôt que la construction sociale des genres. Il réclame l'égalité dans la différence.
Il se déploie surtout dans les domaines spirituel, artistique et littéraire ou même psychanalytique. Présent depuis le début du vingtième siècle, il se manifeste sous différentes formes, même s'il est maintenant marginal : écriture de femme, mouvement des sorcières, revalorisation de la maternité comme destin de la femme.
Le féminisme anarchiste
C'est un courant qui n'a jamais pris beaucoup d'ampleur à lui seul, mais qui a traversé le siècle dernier, dans le mouvement anarchiste d'abord, puis de façon autonome dans des groupes anarcha-féministes ou féministes libertaires; il inspire de nombreuses militantes à travers d'autres courants féministes. Sa caractéristique est le refus des hiérarchies et de toute oppression, pas seulement de l'oppression patriarcale; il porte le projet de construire des formes d'organisation autogérées, pour limiter les possibilités de prise de pouvoir ou de domination.
Le féminisme radical
Bien qu'on puisse identifier certaines féministes radicales avant 1960, c'est vraiment après cette date que le féminisme radical se développe. Plutôt que d'inégalité ou de discrimination, il parle d'oppression des femmes. Il se dit radical parce qu'il va à la racine du problème : il utilise le concept de patriarcat pour désigner le système par lequel les hommes dominent les femmes, autant dans la vie privée que publique.
Le féminisme radical affirme que la violence contre les femmes est le principal moyen utilisé par le patriarcat pour les contrôler. De là naissent les groupes de lutte contre la violence ainsi que le mouvement de santé des femmes. Ce féminisme affirme que « le privé est politique », c'est-à-dire que l'assignation des femmes au foyer, à la sphère privée, n'est pas naturelle mais qu'elle vient du pouvoir politique que les hommes exercent sur les femmes. Par conséquent, désobéir, changer l'ordre des choses à la maison devient aussi un geste politique qui a des répercussions sur l'ensemble de la société. Combattre la violence conjugale est une lutte politique.
À l'intérieur de ce courant, inspiré par le marxisme et en rupture avec le système socio-économique, le féminisme matérialiste montre le mécanisme de division sexuelle du travail : aux hommes le travail de production, aux femmes le travail de reproduction. Alors que le travail de production est rémunéré, le travail de reproduction (mise au monde des enfants, entretien du logis, soin des personnes) est non payé : c'est le travail invisible des femmes. Le capitalisme et le patriarcat se conjuguent pour exploiter les femmes.
C'est aussi au sein du courant radical que se développe le féminisme lesbien, qui dénonce l'hétérosexisme, c'est-à-dire l'obligation patriarcale d'exercer la sexualité avec quelqu'un de l'autre sexe.
Le féminisme Black ou féminisme de couleur
On l'appelle aussi féminisme afro-américain. C'est un courant révolutionnaire (par opposition à réformiste), qui s'est déployé à partir d'une pratique très concrète des femmes noires américaines dès les années 1970 : celles-ci ne trouvaient pas leur compte dans le mouvement féministe blanc, où elles étaient sans cesse marginalisées et exclues de la définition des enjeux collectifs. De plus, en tant que noires, elles étaient aussi renvoyées par le racisme de la société à une classe sociale inférieure. Elles ne pouvaient pas choisir entre leur condition de femme, leur condition de couleur, ou leur pauvreté pour décrire leur situation et pour déterminer leurs luttes : il fallait tout prendre. Elles ont ainsi conscientisé la jonction du sexe, de la race et de la classe sociale comme créant une situation spécifique d'oppression, et même celle de l'orientation sexuelle, amenée par les lesbiennes noires. Ici, racisme, patriarcat, capitalisme et hétérosexisme apparaissent comme des systèmes d'oppression liés ensemble.
Le féminisme Black s'est développé hors du féminisme blanc occidental, et même contre lui, par son exigence de prise en compte des oppressions multiples. Dès les débuts, il s'est associé aux féminismes autochtone, latina, musulman, et autres, parfois aussi appelés féminismes de couleur.